Dans les pas des caribous du Nunavik

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Le parc national des Pingualuit se trouve sur la route migratoire de la plus grande harde de caribous du Québec. C’est dans leurs traces, laissées à travers la toundra arctique, que nous avons randonné jusqu’au cratère qui fait la renommée du parc.

Nous sommes parties du camp de base depuis quelques minutes seulement lorsque le guide fait signe de s’arrêter. À quelques dizaines de mètres, une mère caribou et son petit nous coupent le passage en trottinant. Imperturbables, ils semblent tous les deux suivre une route invisible dont rien ni personne ne pourrait les détourner. La harde de caribous de la rivière aux Feuilles, la plus importante au Québec avec environ 400 000 têtes, passe l’hiver à l’intérieur des terres du Nunavik et traverse en été le territoire du parc national des Pingualuit pour se rendre vers le détroit d’Hudson et s’y nourrir de végétation salée par l’iode marine. Notre guide nous apprend également que les tuktuit, les caribous, marchent l’équivalent de soixante marathons par an, soit plus de 2 500 km. De jour comme de nuit, ils trottinent et repèrent les traces des précédents caribous grâce à des capteurs sensoriels situés dans leurs sabots.

NOTRE GUIDE NOUS APPREND QUE LES TUKTUIT (LES CARIBOUS) MARCHENT L’ÉQUIVALENT DE SOIXANTE MARATHONS PAR AN, SOIT PRÈS DE 2 500 KM !

FASCINANT CRATÈRE du parc national des Pingualuit

Dépourvus de ces ingénieuses particularités du corps animal, nous, les randonneurs, avons besoin des inuksuit pour nous diriger sur les vastes plaines désertiques du parc. Ces cairns de forme humaine bâtis par un amoncellement de roches, nous guident dans ce paysage lunaire jusqu’au pied du cratère. Nous grimpons les quelques centaines de mètres de dénivellation pour arriver au sommet de ce cratère unique, rempli d’une eau parmi les plus pures au monde. Même les centaines de moustiques qui nous harcèlent à travers les vêtements ne parviennent à ternir ce moment de pur bonheur.

Ce « bouton d’acné » comme le surnomment les Inuit en langue Inuktitut, a un diamètre de 3,4 km et une circonférence de 9,5 km. Le cratère s’est formé suite à l’écrasement d’une météorite il y a 1,4 million d’années, une période plutôt récente en terme géologique. La puissance de l’impact fut 8 500 fois plus puissante que la bombe atomique lancée sur Hiroshima. L’eau de ruissellement s’est ensuite accumulée jusqu’à former un immense lac dont la clarté atteint les 30 mètres de profondeur. Nous descendons remplir nos gourdes de cette eau si précieuse avant de faire le tour complet du cratère qui demande une belle dose d’endurance.

RENCONTRES AU CŒUR DE LA TOUNDRA

De retour au camp de base composé de superbes chalets de bois, certains d’entre nous partent pêcher l’omble arctique sur le lac Manarsulik pendant que les autres marchent jusqu’aux vestiges de camps de chasse des Nunamiut, les Inuit de l’intérieur des terres de l’Ungava. Le lendemain, un trek de deux jours est programmé jusqu’au canyon de la rivière de Puvirnituq. Une randonnée d’exception au cœur de la toundra arctique où nous suivons cette fois encore les sentiers tracés par les caribous passés avant nous. Les vastes plaines sont recouvertes de linaigrettes, aussi appelées suputik, une plante à bout cotonneux qui perd sa soie à l’automne et indique aux Inuit qu’il est temps de chasser le tuktu car sa fourrure a atteint l’épaisseur idéale pour confectionner les kamiit, les bottes traditionnelles. Nous sautons de roche en roche sur des pierres recouvertes de lichens.
Mais une fois arrivées au fond du canyon, au bord de la rivière où nous nous rafraîchissons, une surprise de taille nous attend. Un troupeau d’une centaine de caribous jeunes et adultes dévale la pente puis traverse à la débandade la rivière sous nos yeux. Une scène rare à laquelle on assiste habituellement que dans les documentaires animaliers. Après s’être ébroués dans la cohue, ils continuent leur chemin puis remontent l’autre pente du canyon. Ce moment court mais intense restera à jamais gravé dans nos mémoires.
Du premier au dernier jour de ce séjour, les caribous auront été de formidables compagnons de trekking. Un privilège rare réservé aux randonneurs qui souhaitent entrer en totale communion avec la nature du Grand Nord.

Une étape à Kangiqsujuaq

Une étape de deux jours dans le village de Kangiqsujuaq est incluse dans le forfait de trek au parc national des Pingualuit. Cette incursion au cœur d’une communauté inuite permet de donner un autre visage au séjour. L’occasion de rencontrer tous les jeunes du village, rieurs et accueillants. Les aînés invitent à participer à la cueillette de moules à marée basse, une activité traditionnelle de la région de Kangiqsujuaq. Le fruit de la récolte sera entreposé dans le frigo collectif, une belle façon de partager avec toute la communauté. Encore une dernière soirée passée en leur compagnie puis c’est le retour final jusqu’à Kuujjuaq puis le sud du Québec.

Frédérique Sauvée

Jamais loin de sa valise ni de ses chaussures de marche, Frédérique Sauvée parcourt le monde à la recherche de destinations et de reportages inspirants. Elle affectionne particulièrement l’Amérique du Nord, son continent d’adoption, qu’elle sillonne en long et en large, et plus passionnément le Québec, des confins de l'Abitibi jusqu'en Gaspésie, en passant par Anticosti, le Nunavik et le Saguenay !


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