La poutine : quand le Québec fait “skouick”

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C’est d’abord un bruit, la poutine. Celui du fromage qui distrait en faisant « skouick-skouick » sous la dent. Autour de la grande table québécoise, impossible de ne pas évoquer ce mets emblématique d’une province qui le cuisine à toutes les sauces.

Emblématique à Québec, la poutine, ce repas emblématique de la province cuisiné à toutes les sauces. Bon appétit !

La poutine, on a envie de dire que ça ne se mange pas, ça se digère. Avec elle, ce n’est pas la forme qui compte, mais le fond, sous-entendu la consistance. Après son passage, les estomacs ont tendance à se replier. L’idée même d’un dessert doit rebrousser chemin. Pour ne pas flancher dès les premières bouchées, l’accompagner d’un verre d’eau est conseillée, ou tout autre liquide qui facilitera sa progression dans votre gosier. Les débutants seront bien inspirés d’opter pour le petit format. Les ogres, eux, passeront directement dans la catégorie poids lourd. Au Poutineville de Montréal par exemple, où l’on vous sert un mastodonte pour 100 $. Un uppercut de 15livres (environ 7 kg) à encaisser entre amis ou en famille, pour un total dépassant les 14 000 calories selon le site ConsoXP, qui s’est penché sur le cas de cette obèse baptisée « Crise cardiaque ».
Pas de quoi impressionner Carmen Cincotti. En 2016, ce mangeur professionnel du New Jersey avait englouti près du double (25,50 livres) en seulement 10 minutes, établissant un record mondial toujours inégalé. Dans un article daté d’octobre 2015, Radio Canada rappelait qu’une poutine pouvait varier entre 510 et 1 110 calories selon les restaurants et la taille des portions. Un visuel donnait même quelques idées (farfelues) pour dépenser 1 000 calories, comme monter des escaliers avec ses sacs de courses durant 1 h 36… ou jouer de la trompette dans un orchestre pendant 9 h 48 !

La poutine : un baume pour le ventre… et le cœur

Dans la Belle Province, personne ne vous vantera les bienfaits de Dame Poutine pour la santé. Mais l’essentiel est ailleurs, dans cette part d’héritage qu’elle représente pour beaucoup. On la dit réconfortante – elle soulagerait même les peines de cœur –, revigorante, en particulier pour les noctambules en quête d’un ponton alimentaire pour amarrer leur appétit revigoré ou éponger l’alcool. Comme le rappelle cette strophe tirée de la chanson Hommage en grains, du groupe Mes Aïeux : « Patates, sauce brune, fromage / font un excellent ménage / Passé 3 heures et demie / c’est d’la gastronomie. » Oui, au Québec, la poutine, ça se chante aussi. Si certains la vénèrent, d’autres la fuient comme la peste ou roulent de grands yeux en imaginant qu’on puisse réduire la gastronomie fleurdelisée à cette bétonneuse du ventre, à défaut (quoique) de colmater un nid-de-poule, autre emblème du Québec, mais plus difficile à digérer celui-ci. Il y a un peu du Je t’aime moi non plus de Gainsbourg dans la relation qu’entretient la province avec cette icône on ne peut plus pop, qui, quoi qu’on en dise, s’avère alléchante sous ses habits négligés.

La poutine : l’originale et les copies

Reste que cette fille de mauvaise ligne éveille un je-ne-sais-quoi de fierté chez le cousin d’Amérique du Nord, avec quelques querelles de clocher quand vient le temps d’établir la paternité du plat tant de fois revisité depuis sa création dans les années cinquante. On en oublierait presque la poutine basique, résumée au sacro-saint trio « frites, sauce brune et fromage en grains » fade sous la dent, qui fait skouick-skouick quand on le mâche selon une rumeur persistante. Aujourd’hui, la patrie des Cowboys Fringuants la cuisine à toutes les sauces, les restaurateurs et certains grands chefs s’en donnent à cœur joie, jusqu’à l’excentricité parfois. On peut ainsi, par exemple, la déguster avec des crevettes, du homard, du porc effiloché mâtiné d’oignons caramélisés, mais aussi en version acadienne, asiatique ou encore portugaise, et même avec du foie gras ! Il faut sans doute voir dans ces avatars culinaires une certaine rançon de la gloire, jusque dans d’autres endroits du globe qui ont apprivoisé cette impératrice décadente. Comme à Paris, où la Maison de la poutine se targue d’être le premier fast food 100 % poutine de l’Hexagone. Qui l’eût cru ?

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Olivier Pierson

Journaliste depuis une vingtaine d'années, Olivier a œuvré en France au sein de la presse quotidienne régionale, traitant de sujets aussi divers et variés que le sport, la politique ou les faits divers... C'est désormais à la culture et au tourisme de plein air que ce fondu de marche consacre la majeure partie de son temps, toujours friand de découvertes et de rencontres, mais aussi de nouvelles expériences !


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