Le Fou de Bassan

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En arrivant sur la pointe orientale de la Gaspésie par la route 132, les Appalaches s’ouvrent soudainement et la vue porte très loin sur l’océan. Le mois de mai marque ici le retour des lumières printanières et de leurs chatoyants reflets sur les eaux nouvellement libérées des glaces. À cette même période, 120 000 fous de Bassan reviennent se reproduire sur l’île Bonaventure: la plus grande colonie de ces oiseaux pélagiques au monde.

Découvrez l’oiseau phare du Littoral Gaspésien : le Fou de Bassan

Chaque soir, le fond des anses de la péninsule devient la scène d’un fantastique ballet aérien, qui représente assurément un des spectacles les plus captivants de la côte sauvage gaspésienne. Des centaines d’oiseaux se rassemblent ici en de longues processions qui s’abattent vertigineusement vers la surface des eaux. S’élançant des airs à une vitesse pouvant atteindre 110 km/h, ils parviennent ainsi aux bancs de poissons jusqu’à 15 ou 20 mètres de profondeur. Les premiers pêcheurs qui les observèrent leur attribuèrent le nom de « Fou », car lors de ces pêches, ils n’observaient jamais les oiseaux remonter avec leurs prises dans le bec. Il s’avère en effet qu’ils les avalent toujours sous l’eau au cours de la remontée. Dans ce contexte, ces marins se demandèrent très certainement à quoi servait un tel déploiement d’acrobaties aériennes pour si peu de chose… En réalité, le fou de Bassan est un pêcheur remarquable qui peut rester immergé jusqu’à 20 secondes à la recherche de maquereau, hareng, capelan ou lançon. Sa morphologie est parfaitement adaptée à ces pêches et plongeons à grande vitesse. Des compartiments d’airs situés sous sa peau permettent de lui protéger la tête et le poitrail lors de l’impact.

Découvrir

Le parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé est ouvert de fin mai à mi-octobre. De nombreux entrepreneurs locaux proposent des traversées vers l’île et la découverte de ses côtes en petit bateau à partir de Percé, situé juste en face sur le continent à environ 2 km. La société des établissements du plein air du Québec (Sépaq), chargée de la gestion du parc national, offre également différentes activités de découvertes.

Plus d’informations : www.sepaq.com/pq/bon/

AU BOUT DE LA TERRE, DES OISEAUX ET UNE ÎLE

Classé parmi les douze meilleurs sites d’observation ornithologique en Amérique du Nord, le parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé n’a pourtant pas toujours connu cette abondance d’oiseaux sur ses falaises et son plateau. En 1883, l’île ne comptait en effet que 3 000 fous de Bassan que les habitants chassaient pour se nourrir. Depuis que l’île est un refuge ornithologique, la population s’est rapidement accrue au rythme de 3 % tous les ans. Cependant, depuis quelques années, la population s’est mise à décliner pour des raisons inconnues. Certains évoquent l’impact des accidents de déversements pétroliers dans le golfe du Mexique sur les juvéniles, d’autres s’intéressent à l’augmentation de la température des eaux de surface l’été dans le golfe du Saint-Laurent qui aurait une influence sur la distribution de la faune qui y vit. Ainsi, certaines espèces de poissons qui recherchent l’eau froide vivent désormais à des profondeurs inatteignables pour l’oiseau qui a par conséquent plus de difficultés à se nourrir et à assurer la survie de sa progéniture.

UNIS POUR LA VIE

Au cours de l’hiver, ces magnifiques oiseaux blancs à la tête orangée s’en vont vers des latitudes plus clémentes pour éviter les glaces et retrouver certaines espèces de poissons qui désertent alors le golfe du Saint-Laurent. À l’inverse de la saison de nidification, ils se rassemblent en petits groupes silencieux et restent au large de façon permanente. Ils peuvent ainsi parcourir jusqu’à 450 kilomètres par jour dans leur recherche de nourriture en alternants puissants battements d’ailes et longs vols planés. Au cours de la période de reproduction estivale, l’oiseau devient au contraire très territorial au sein de ses colonies. Les couples sont souvent unis pour la vie et s’adonnent à des parades nuptiales particulièrement chorégraphiques en se frottant le bec et en s’étirant au maximum le cou et les ailes. D’ordinaire silencieux, ils émettent à cette saison des cris gutturaux qui provoquent lors de ces rassemblements une cacaphonie incessante. Le nid, extrêmement rudimentaire, fait à même le sol, contient un seul œuf d’un bleuté très caractéristique couvé par les deux parents pendant 44 jours. Nidicole, le jeune sera nourri sur le nid pendant près de 90 jours au cours desquels il passera de quelques dizaines de grammes à environ 3 kg. Au début de l’automne, ces jeunes s’envoleront guidés par leurs parents vers les eaux tropicales où ils resteront les années nécessaires pour devenir adultes. Ils reviendront alors par milliers vers cette petite île à quelques encablures de la côte gaspésienne, afin d’assurer à leur tour, ces magnifiques ballets aériens printaniers en ce haut lieu du patrimoine naturel québécois.

Biologie

Famille : Sulidés.
Nom scientifique : Morus bassanu.
Longévité : 16 à 20 ans.
Maturité sexuelle : 5 à 6 ans.
Envergure : 165 à 180 cm.
Masse : entre 2.8 et 3,2 kg
Caractéristiques : corps blanc écarlate et bouts des ailes noirs. Cou jaune pâle, yeux bleu clair cerclés de gris. Bec gris bleuté très clair en forme de poignard souligné de fines lignes noires se prolongeant en un masque noir autour des yeux. Pattes courtes palmées verdâtres.

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Benjamin Dy

Benjamin Dy est biologiste, photographe de faune sauvage et écrivain naturaliste. Ce franco-canadien de 35 ans vit au Québec depuis presque une quinzaine d’années et n’a de cesse de parcourir son magnifique territoire à la recherche d’images et de reportages. Avant tout attiré par les espaces sauvages, ces régions naturelles de prédilections sont celles des Appalaches, des Laurentides et du plateau de la Basse Côte Nord avec sa superbe Minganie. Ses ultimes destinations photographiques québécoises sont les paysages de bout du monde du Nunavik où il mène régulièrement des expéditions pour ses projets personnels. Pour lui, les espaces sauvages du Québec et du monde entier sont une source d’épanouissement et de découverte sans limites.


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