Mettre en pratique les principes “Sans trace” quand on explore la nature du Québec

On aspire tous à profiter pleinement de la grande et belle nature québécoise. Pleinement et surtout longtemps ! C’est dans cette optique que les activités de plein air se font de plus en plus écoresponsables et que, au Québec comme ailleurs, une certaine éthique s’impose chez un nombre grandissant d’aventuriers et d’amoureux de la nature, de même que dans les pratiques des acteurs engagés dans un tourisme durable au Québec

Quels sont les principes Sans trace et comment les appliquer au cœur de la nature du Québec ? On vous dit tout

Pour s’amuser dehors en toute saison tout en prenant soin de nos terrains de jeux, les principes Sans trace, tels qu’ils sont promus par l’organisme Sans trace Canada, par Parcs Canada ou encore par le réseau Québec Aventure Plein Air, sont des valeurs sûres. A l’heure où l’écotourisme, au Québec et partout ailleurs, prend de l’ampleur, il est bon d’en (re)prendre connaissance.

Parc national de la Gaspésie – Photo Nicolas Garbay

 Quand, comment et pourquoi est né le mouvement Sans trace au Québec ?

Le mouvement Sans trace, ou Leave No Trace dans la langue de Shakespeare, c’est tout d’abord une vision éthique de l’environnement remontant aux années 1960. Adoptée par une poignée d’amoureux du plein air, cette philosophie a commencé à se structurer en mouvement dans les années 1990 aux États-Unis, avant de s’étendre progressivement aux quatre coins du globe. Le Canada et le Québec sont entrés dans la danse il y a bientôt 20 ans, avec la création de Sans trace Canada (STC). Cet organisme sans but lucratif a vu le jour sous l’impulsion de six membres fondateurs : Aventure Écotourisme Québec, MEC (Mountain Equipment Co-op), SNAP (Société pour la nature et les parcs du Canada), Vert l’action, Saskatchewan Parks et Parcs Canada. La vocation de Sans trace Canada est de promouvoir l’éthique du plein air auprès des Canadiennes et Canadiens. Il s’agit d’une part de sensibiliser le public à la nécessité de protéger le patrimoine naturel et culturel du pays pour que les joies du plein air profitent aux générations futures, et d’autre part d’inviter chacun à adopter des pratiques responsables. Fondées sur l’expérience et sur la recherche scientifique, ces recommandations s’incarnent dans les sept principes Sans trace.

Les sept principes Sans trace ou comment réduire son impact sur l’environnement

Parc national du Bic – Photo Anne Moy

 Premier principe Sans trace : se préparer et prévoir

En effet, bien s’informer sur notre sortie à venir dans la nature, sur les caractéristiques de notre destination et sur les conditions qui nous attendent est un préalable indispensable, à la fois pour notre propre sécurité et pour la préservation de notre terrain de jeu. Il s’agit par exemple de connaître les règles et restrictions en vigueur sur place, les droits d’accès le cas échéant, mais aussi les conditions météo ou les difficultés éventuelles du terrain. Avant de partir en randonnée par exemple, on veillera à s’équiper d’une carte à jour et d’une boussole pour ne pas perdre le sentier ; on s’efforcera de partir en petit groupe de 4 à 6 personnes, quitte à constituer plusieurs groupes si on est plus nombreux, et en évitant si possible les périodes ou les horaires à très forte fréquentation ; on prévoira également de quoi minimiser les déchets, par exemple en utilisant des contenants réutilisables pour la nourriture plutôt qu’en multipliant les emballages. Bref, le premier pas pour préserver la nature dans laquelle on s’aventure est d’anticiper au mieux sa sortie. Cela permettra en outre de respecter au mieux les principes Sans trace qui suivent…

Deuxième principe Sans trace : utiliser les surfaces durables

Encore du bon sens ! Piétiner la végétation est, comme chacun s’en doute, destructeur pour la flore, en plus d’accélérer l’érosion du sol. C’est pourquoi il est capital d’emprunter les sentiers existants et de camper sur les terrains prévus à cet effet. Quand on doit se déplacer en dehors des sentiers de randonnée, il faut veiller à rester sur du sol dénudé, de la roche, du sable, de la neige épaisse ou encore de l’herbe sèche, toutes ces surfaces qu’on peut qualifier de durables. De la même manière, dans le cas du camping sauvage, on évitera les surfaces végétalisées et on s’efforcera de limiter l’aire de camping et d’activités. Au Québec, où l’eau des lacs et des rivières n’est jamais très loin, on recommande de camper à plus de 60 mètres de ces derniers afin de préserver les berges. Dans tous les cas, on prendra le temps de trouver le site le plus adéquat dans les environs plutôt que de dégrader l’environnement pour créer sa place de camping, à plus forte raison dans des zones vierges où la nature est intacte ou a subi peu d’impact.

Réserve de parc National de l’Archipel-de-Mingan

Troisième principe Sans trace : gérer adéquatement les déchets

Qui n’a jamais pesté en constatant les « petits souvenirs » laissés en pleine forêt, sur la plage ou au bord des sentiers par des usagers peu scrupuleux ? Mais ceci étant dit, est-on certain d’être soi-même totalement irréprochable ? Au-delà de bien veiller à ramasser tous ses déchets après un pique-nique ou une session de camping en nature, plusieurs autres bonnes habitudes devraient être prises : trier les matières résiduelles et les déchets dangereux ; ne pas faire sa vaisselle ni se laver à proximité d’un point d’eau et veiller à disperser l’eau souillée à grands jets dans la végétation après avoir récupéré les débris alimentaires à l’aide d’un tamis ; utiliser du savon biodégradable en petite quantité ; creuser dans un sol organique un trou sanitaire d’une quinzaine de centimètres de profondeur au moins pour faire ses besoins, et ce à bonne distance (60 mètres minimum) de toute source d’eau, de tout sentier ou emplacement de camping en prenant soin de remblayer et camoufler le trou après chaque usage…

Quatrième principe Sans trace : laisser intact ce que l’on trouve

L’essence même du Sans trace. Ce point ne devrait pas avoir à être développé et pourtant, encore trop de randonneurs et de campeurs sous-estiment les conséquences de gestes pouvant paraître anodins : ramasser des fleurs, déplacer des pierres, creuser des tranchées, improviser du mobilier pour pique-niquer, planter un clou dans un arbre… Et si Dame Nature s’invitait chez vous pour refaire la déco ? La fragilité de certains écosystèmes implique la plus grande des vigilances. Pour être le plus consciencieux possible, on conseille même de bien nettoyer ses chaussures, vêtements et matériel avant et après la balade afin de limiter la propagation d’espèces non locales envahissantes. Et puis, au fond, cette belle plante qui vous fait de l’œil au détour du sentier, prenez-la en photo plutôt que de la déraciner ! Vous en garderez un souvenir encore moins périssable. Et vous laisserez la chance à d’autres randonneurs de pouvoir l’admirer…

Photo Fjord en Kayak

Cinquième principe Sans trace : minimiser l’impact des feux

L’année 2023 aura été particulièrement terrible au Québec, ailleurs au Canada et dans le monde, en termes de feux de forêt, synonymes de destruction pure et simple d’immenses aires naturelles. Le rôle joué par le réchauffement climatique dans la précocité et l’intensité de ces gigantesques incendies est non seulement avéré, mais il invite tout un chacun à redoubler de vigilance. Pour faire cuire notre pitance quand on séjourne en pleine nature, il convient tout d’abord de privilégier l’utilisation d’un petit réchaud portable que l’on installera sur une surface durable afin de prémunir le sol, la végétation et les racines de toute brûlure. Si le secteur où l’on campe autorise les feux à ciel ouvert, il faut s’en tenir aux emplacements désignés, n’utiliser que du bois mort ramassé à même le sol (si la collecte de bois est autorisée) et faire un feu de la plus petite taille possible afin qu’il demeure contrôlable. Bien sûr, on veillera à l’éteindre totalement avant de quitter les lieux, sans oublier de vérifier que les cendres ont bien refroidi.

Sixième principe Sans trace : respecter la vie sauvage

Au Québec, les grands espaces sont loin d’être inhabités et la diversité de la flore et de la faune est en soi une source de fascination. Que l’on soit ornithologue en herbe, croisiériste lancé à la rencontre des mammifères marins ou randonneur espérant croiser un orignal, il ne faut jamais oublier que vous n’êtes qu’un visiteur au cœur de l’habitat naturel de ces animaux et que votre présence, même discrète et éphémère, n’est jamais sans impact sur la vie sauvage. Se tenir à bonne distance des animaux, ne jamais leur donner à manger ou encore rester maître de son chien (et ramasser ou enterrer les excréments de ce dernier) font partie des bonnes pratiques à adopter. On redoublera de vigilance à certaines périodes sensibles : nidification, reproduction, croissance des petits ou encore au cœur de l’hiver quand certaines espèces hibernent.

Orignal – Photo Auberge Refuge du Trappeur

Septième principe Sans trace : respecter les autres visiteurs

Qui dit éthique du plein air dit aussi cohabitation en bonne intelligence avec ceux qui, comme vous, viennent se ressourcer ou s’aventurer en pleine nature pour faire la belle expérience du tourisme durable au Québec. Chacun a conscience qu’il en va de la qualité de son expérience au grand air, d’autant plus quand certains sentiers sont très fréquentés, comme au cœur de l’été dans les parcs nationaux ou régionaux. Là encore, Sans trace Canada recommande de privilégier les sorties en petits groupes en visant les périodes et les horaires les moins achalandés, et de faire ses pauses à l’écart des sentiers sur des surfaces durables. On évitera aussi l’abus des technologies envahissantes, comme le fait d’écouter de la musique sur haut-parleur durant sa balade. Notez à ce sujet que l’usage récréatif des drones est proscrit dans les parcs nationaux du Québec. D’autres règles élémentaires de courtoisie méritent d’être rappelées : éviter les couleurs trop criardes pour ses vêtements et sa tente ; tenir son chien en laisse ; laisser la priorité de passage sur les sentiers partagés aux randonneurs à cheval et aux personnes à mobilité réduite – de plus en plus nombreuses à pouvoir profiter du plein air au Québec grâce aux équipements adaptés et à l’accessibilité des sentiers – ; sur les sentiers pentus et étroits, laisser le passage aux marcheurs qui montent ; s’éloigner quand on doit téléphoner ; se déplacer avec délicatesse…

Outre la promotion de ces sept principes, l’organisme Sans trace Canada assure-t-il des formations ?

Tout à fait. Que vous soyez un professionnel du plein air, un amateur ou un néophyte désireux de mieux maîtriser votre impact sur l’environnement, Sans trace Canada propose des formations adaptées à tous les types d’activités, d’aventures et d’aventuriers. Ces cours sont en général délivrés au printemps et à l’automne. Ils vont de l’atelier de sensibilisation Sans trace à la formation de maître instructrice ou instructeur Sans trace. Consultez le site web de Sans trace Canada pour obtenir plus d’informations sur le volet formation. Sachez que vous pouvez également rejoindre le mouvement et devenir bénévole Sans trace afin de participer activement aux missions de l’organisme.

Parc National des-Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie

Quelles sont les autres valeurs défendues par Sans trace Canada ?

Si vous connaissez de près ou de loin les valeurs de respect de la nature transmises depuis des millénaires par les communautés autochtones du Canada, alors peut-être aurez-vous décelé une certaine parenté avec les principes Sans trace ? Au-delà de cette sensibilité commune en matière de durabilité et de responsabilité, Sans trace Canada reconnaît les cultures autochtones comme faisant partie intégrante de l’histoire du pays. C’est pourquoi le thème de la réconciliation est au cœur des valeurs Sans trace. « Nous nous engageons ainsi à écouter et à humblement contribuer de façon à ce que, dans le futur, les peuples autochtones, nous-mêmes et nos autres partenaires travaillent ensemble de façon juste et équitable, sur ces terres ancestrales ; terres qui comprennent d’ailleurs plusieurs Nations et sont connues sous des noms plus anciens et profonds que Canada », peut-on lire sur le site web de Sans trace Canada.